MÉMOIRE DU COLLÈGE DE RED RIVER

Le Collège de Red River représente le deuxième établissement d’études postsecondaires en importance au Manitoba, et le premier pour ce qui est de l’apprentissage pratique. Chaque année, plus de 32 000 étudiants s’inscrivent à ses programmes d’enseignement à temps plein ou à temps partiel, à ses stages d’apprentissage et à ses programmes de formation en entreprise.

Nos programmes sont conçus de concert avec les entreprises pour garantir qu’ils répondent réellement aux besoins du marché du travail, et pour faire en sorte que les étudiants apprennent à se servir des technologies et des procédés les plus modernes disponibles.

D’après nos plus récents sondages auprès des diplômés, 97 p. 100 de nos étudiants trouvent un emploi peu après la fin de leurs études, et 95 p. 100 d’entre eux restent au Manitoba, contribuant ainsi à l’essor économique et social de la province.

Même si nous apprécions l’appui constant accordé par le gouvernement fédéral, plusieurs mesures pourraient selon nous aider à alimenter la croissance future du Collège et celle de l’économie canadienne.

Les collèges sont les instruments par excellence d’enseignement des notions avancées. Celui de Red River est orienté en fonction des besoins des employeurs, et applique des méthodes à la fine pointe du progrès afin d’identifier les compétences, de cerner les tendances économiques et de prévoir les changements sur le marché.

Le Collège de Red River appuie la croissance et la subsistance des entreprises en formant pour elles des diplômés qui possèdent des compétences poussées, en recyclant les employés déplacés, en offrant une formation sur mesure et en fournissant un soutien pour les travaux pratiques de recherche et de développement. Il joue un rôle clé au Manitoba notamment en augmentant l’accès des personnes défavorisées aux études postsecondaires et en aidant les immigrants à obtenir les accréditations requises.

Processus étape par étape d’innovation et de développement
d’une main-d’œuvre qualifiée – Stimuler la prospérité canadienne
à long terme au Manitoba

Plan d’action pour une main-d’œuvre qualifiée au Manitoba

Les pénuries de personnel qualifié sont devenues une réalité au Canada, et si on ne corrige pas le tir, elles s’accentueront et menaceront la viabilité de notre économie. Vu ces pénuries, combinées à la fragilité de la reprise, il est d’autant plus impérieux que le gouvernement fédéral investisse directement dans l’enseignement postsecondaire. Au Manitoba, les pénuries de main-d’œuvre qualifiée actuelles et appréhendées sont étroitement liées au taux d’études collégiales. On estime que dans le secteur de la construction uniquement, le Manitoba aura besoin d’environ 6 000 nouveaux travailleurs, et de 4 500 autres travailleurs pour remplacer ceux qui prendront leur retraite d’ici 2016 (chiffres du Conseil sectoriel de la construction du Canada).

En l’espace de moins d’une génération, le pourcentage de Canadiens en dehors de la main-d’œuvre (en grande partie à cause de l’augmentation du nombre de personnes retraitées) grimpera de 44 p. 100 à 61 p. 100. D’après les prévisions de RHDCC et de Statistique Canada, le manque de main-d’œuvre atteindra 1,5 million de travailleurs d’ici 10 ans. Or, pour accéder au marché du travail, un nombre de plus en plus grand de jeunes auront à suivre des études postsecondaires. Actuellement, 70 p. 100 des postes disponibles exigent des études de niveau postsecondaire, et d’ici une génération, le chiffre approchera de 80 p. 100. À l’heure actuelle, à peine 60 p. 100 des Canadiens âgés de 25 à 64 ans respectent cette norme. À moins de modifier rapidement cet état de choses, en 2016, plus d’un million de Canadiens sans diplôme d’études secondaires seront trop peu qualifiés pour occuper les postes offerts.

Bien que tous les collèges manitobains aient connu une croissance durant les récentes années, le taux d’inscription à des études collégiales dans notre province demeure très inférieur à la moyenne canadienne, et les listes d’attente restent longues pour les inscriptions au Collège de Red River. Selon la commission provinciale sur les frais de scolarité et l’accessibilité à des études postsecondaires au Manitoba (rapport Levin), le taux d’inscription dans les collèges n’est que de 7,3 p. 100, comparativement à une moyenne nationale de 11,2 p. 100.

À cause de cette disparité, et de l’absence consécutive d’assises solides sous forme d’une main-d’œuvre qualifiée, le Manitoba ne peut pas exploiter pleinement les ressources économiques. Cela risque de miner à long terme notre capacité de développer des industries canadiennes, de recruter des nouvelles entreprises venues d’ailleurs, et de favoriser dans la province une culture reposant sur l’innovation.

Au Collège de Red River, nous formons des étudiants qui, une fois diplômés, possèdent les compétences poussées que réclament les employeurs. Et en plus d’améliorer les compétences des employés actuels et des chômeurs, nous donnons aux membres de groupes sous-représentés, en particulier les Autochtones, les immigrants et les personnes handicapées, la possibilité de faire des études postsecondaires.

Le gouvernement du Canada a tenté de plusieurs manières d’atténuer le problème, entre autres grâce à une réforme de la politique d’immigration, à des programmes d’apprentissage des compétences essentielles, à des crédits d’impôt, à des bourses incitatives d’apprentissage et à un nouveau partenariat avec l’Assemblée des Premières Nations, mesures permettant d’améliorer l’éducation de la maternelle à la 12année.

L’ampleur du défi nécessite l’application d’une démarche holistique, voire globale. C’est l’avenue prônée par l’OCDE, qui suppose l’application d’une stratégie globale de développement des compétences consistant notamment à investir davantage dans l’éducation et le perfectionnement des compétences, et une démarche concertée entre les gouvernements pour favoriser des échanges efficaces au niveau des politiques.

Le transfert social canadien – Investir de plus en plus et de manière ciblée dans l’éducation postsecondaire

Les investissements dans l’éducation postsecondaire stimuleront directement la reprise économique; en fait, d’après les estimations de l’OCDE, « même après avoir soustrait les revenus publics ayant servi à financer [un diplôme d’éducation tertiaire], il reste en moyenne 86 000 $US [en plus des impôts sur le revenu et des contributions sociales] soit presque le triple du montant des investissements publics par étudiant consentis à l’éducation tertiaire[i] ». Pour répondre à la demande, le Collège de Red River a besoin de fondements financiers durables. Étant donné l’exigence marquée de détenir un diplôme d’études collégiales, les longues listes d’attente qu’on observe pour beaucoup de programmes de cours dans les professions très prisées empêchent de nombreux étudiants doués d’opter pour la carrière de leur choix; cela freine l’essor des entreprises, d’où une baisse des recettes fiscales. Le gouvernement fédéral finance actuellement l’éducation postsecondaire par le biais du Transfert social canadien, et via plusieurs autres programmes. Un mécanisme de financement ad hoc comme le Programme d’infrastructure du savoir (PIS) permet de financer directement la création d’emplois et les mesures de relance économique. Parmi les exemples de réalisations récentes ainsi financées, mentionnons la rénovation de l’édifice de la Banque Union au Collège de Red River, qui aurait été impossible sans une subvention de 9 500 000 $ du PIS.

Ce projet consistait à rénover et agrandir l’édifice historique de la Banque Union dans le quartier de la Bourse à Winnipeg, pour augmenter ainsi la capacité des classes auparavant très encombrées au Pavillon de la rue Princess et aménager des nouveaux laboratoires équipés de caméras vidéo et d’appareils de production. Ces travaux incluaient également la construction d’une cuisine du genre cinéma pour dispenser la formation en hôtellerie[ii].

Le gouvernement du Canada a pris en compte les pénuries de compétences en 2008-2009 en injectant des fonds additionnels, mais rien ne prouve que cet argent a bel et bien servi à cette fin.

L’expiration du Transfert social canadien en 2014 donnera l’occasion de scinder le volet relatif à l’éducation postsecondaire, en y ajoutant des règles de comptabilité semblables à celles convenues avec les gouvernements provinciaux et territoriaux dans le cadre de l’Accord en matière de santé. Il faudra, par le biais d’un transfert social distinct, continuer à investir dans la formation élémentaire des adultes, en l’occurrence les bénéficiaires de l’aide sociale.

Recommandation

Établir un transfert social distinct s’appliquant spécifiquement à l’éducation postsecondaire, assorti de règles d’imputabilité envers le Parlement du Canada, à partir d’un montant de 3,8 milliards de dollars qui augmenterait d’au moins 3 p. 100 par année.

Accroître la productivité grâce à des innovations par étape

Le Collège de Red River coopère avec les responsables des programmes de plusieurs autres établissements au Canada (dont beaucoup font partie du réseau fédéral) qui appuient les travaux de recherche, d’innovation et de commercialisation. Le gouvernement fédéral a financé les travaux d’augmentation de la productivité de plusieurs organes, en particulier le CRSNG, le DEO et le programme PIS.

Les activités du Collège de Red River portant sur la productivité et l’innovation ont également bénéficié d’une aide fédérale par le biais du CNRC-PARI et du MAECI (Comment se mondialiser). En outre, nos clients peuvent profiter de mesures comme les crédits d’impôt alloués pour les recherches du CNRC-PARI ainsi que les dépenses pour la recherche scientifique et le développement expérimental. D’autres programmes comme ceux de l’ACDI ont aussi aidé à financer divers projets d’innovation sociale mettant à contribution notre collège.

Nous apprécions que le gouvernement fédéral maintienne et augmente son appui financier; toutefois, les investissements fédéraux dans la science et la technologie sont essentiellement orientés vers les recherches pures ou la découverte, les travaux pratiques de R-D n’obtenant que la part congrue. Les investissements en faveur de la recherche pure peuvent favoriser la prospérité économique à long terme, mais l’insistance excessive accordée aux études exploratoires à la périphérie du savoir a éclipsé les réalités du « ici maintenant ». On a par conséquent négligé le côté pratique des innovations et des améliorations continues en entreprise, fondement même de la productivité. Nous conseillons au gouvernement du Canada de former un comité d’experts indépendants chargé d’émettre des recommandations sur la façon d’optimaliser le montant de 7 milliards de dollars dépensé chaque année pour stimuler les travaux de R-D en entreprise.

Il est écrit dans le deuxième rapport du Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation intitulé L’état des lieux en 2010 : De l’imagination à l’innovation, que les principaux défis pour le Canada consistent à accroître les investissements privés dans l’innovation et à augmenter la capacité du Canada de transférer les résultats des recherches sur les marchés. Fait remarquable, ce rapport passe sous silence le rôle croissant des collèges et des instituts de recherche appliquée qui coopèrent avec les entreprises locales, en particulier des PME, où se retrouvent la plupart des nouveaux emplois. En 2009-2010, 3 795 entreprises se sont associées à des collèges pour la réalisation de travaux de recherche appliquée. Bien que le gouvernement du Canada ait au départ agi en ce sens, le potentiel demeure en grande partie inexploité.

Le gouvernement du Canada a investi des sommes importantes via le Programme d’innovation dans les collèges et la communauté administré par le CRSNG, l’Initiative de commercialisation pour le Sud de l’Ontario de l’Agence fédérale de développement économique, de même que le programme d’innovation collèges-industrie de la Fondation canadienne pour l’innovation.

Le doublement en 2010-2011 du budget consacré au programme ICC, de 15 millions de dollars à 30 millions de dollars, aide à financer les activités en collaboration avec les PME et à renforcer leur compétitivité moyennant des innovations. Le Centre d’accès à la technologie relevant de ce programme permettra l’établissement de cinq centres pour appuyer l’innovation et la commercialisation dans les entreprises. L’implantation d’autres centres d’accès aux technologies au Manitoba contribuerait à améliorer les résultats sur ce plan à l’échelle nationale. Plusieurs mesures en rapport avec les collèges annoncées lors du dernier récent budget fédéral, comme le financement de chaires de recherche industrielles et l’appui financier au Programme d’aide à la recherche industrielle du CNRC pour la coopération avec les collèges visant à favoriser l’essor de l’économie numérique, viendront aussi stimuler l’innovation.

On commence seulement à reconnaître l’efficacité des partenariats en recherche appliquée entre le Collège de Red River et les PME. Plus que toute autre mesure, celles visant à stimuler l’innovation dans les PME au Canada contribueront à améliorer la productivité et à créer des emplois.

Le gouvernement fédéral doit réorienter sa politique et son mode de financement  actuels de la recherche pour mieux stimuler l’innovation. D’après un document de l’OCDE paru cette année concernant les compétences de la main-d’œuvre, la meilleure façon d’accroître la productivité économique consiste à stimuler de plus en plus les innovations.

Bien qu’ils commencent à donner des résultats, les crédits fédéraux pour les travaux de recherche appliquée dans les collèges représentent à peine 1,25 p. 100 du montant global de 2,9 milliards de dollars accordé chaque année pour les recherches par les universités et les hôpitaux. Le gouvernement fédéral doit investir encore plus dans la recherche appliquée au niveau des collèges et des instituts afin qu’un nombre croissant de PME au Canada augmentent leur productivité grâce à l’innovation.

Recommandation

Consacrer 5 p. 100 des fonds fédéraux servant à financer les travaux R-D aux recherches appliquées qu’effectuent les collèges en coopération avec les petites et moyennes entreprises.

Améliorer les taux d’éducation chez les Autochtones – Un impératif socioéconomique

Pour le Collège de Red River, il est primordial d’améliorer les possibilités d’études et la réussite des Autochtones au plan scolaire. Actuellement, environ 17 p. 100 de sa clientèle étudiante est d’origine autochtone. C’est là un chiffre impressionnant pour un établissement d’enseignement postsecondaire, mais nous pouvons et devons en faire plus pour accroître le taux de participation, de maintien aux études et de réussite parmi ce groupe social en pleine croissance démographique. Il s’agit là d’un travail essentiel vu que les niveaux d’études officielles chez les Autochtones du Manitoba, surtout ceux vivant dans les réserves, sont inférieurs aux taux de la population en général.

Au cours de la prochaine décennie, 400 000 jeunes Autochtones atteindront l’âge de travailler, d’où la possibilité pour le Canada  d’améliorer le bilan économique et le bien-être de cette couche marginalisée de la population[iii].

Il en résultera de grands avantages. Le rapport du Centre d’étude des niveaux de vie indique que si on parvient à augmenter les taux d’éducation et d’emploi des Autochtones à ceux des autres races, cela se traduira en 2026 par une augmentation de 36,5 milliards de dollars de leurs revenus, une hausse de 3,5 milliards de dollars des recettes fiscales, et une diminution de 14,2 milliards de dollars des dépenses gouvernementales[iv].

Le plan d’action conjoint conclu entre l’Assemblée des Premières Nations et le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada, ainsi que la Stratégie nationale sur l’éducation des Inuits de 2011, constituent de précieux documents. La situation déplorable des écoles autochtones et les faibles taux d’achèvement d’études secondaires chez les jeunes Autochtones et Inuits font qu’il est urgent d’améliorer les réseaux d’école de la maternelle à la 12année et les résultats scolaires. Ces efforts devront être complétés par des investissements dans l’éducation postsecondaire et l’éducation élémentaire pour les adultes.

Les étudiants autochtones et Inuits reçoivent une aide financière par le truchement du Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire (PAENP) offert par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Or, selon le rapport de la vérificatrice générale de 2011, ce programme n’accorde pas aux étudiants admissibles un accès équitable aux fonds alloués à l’éducation postsecondaire[v]. L’Assemblée des Premières Nations estime qu’à cause du plafond de 2 p. 100 qui s’applique au programme, 13 802 étudiants admissibles n’ont obtenu aucune aide financière[vi]. De plus, les Indiens sans statut légal et les Métis de même que beaucoup d’Autochtones vivant hors réserve sont confrontés à des obstacles financiers. Le sondage auprès des Autochtones en milieu urbain réalisé par l’Institut Environics a révélé que le manque d’argent est le principal obstacle qui nuit à l’accessibilité aux études postsecondaires[vii].

Nous applaudissons l’engagement fédéral dans le budget de 2011 d’élargir aux collèges des territoires du Grand Nord les programmes de formation de base pour les adultes. On ne saurait sous-estimer l’importance de la formation de base des adultes. D’après le recensement de 2006, 44 p. 100 des Autochtones âgés de plus de 15 ans (365 000 personnes) n’ont pas de diplôme d’études secondaires. Dans le cas des Autochtones vivant dans une réserve et des Inuits, les taux sont encore pires, soit 59 p. 100 et 75 p. 100 respectivement. Les programmes de formation de base pour les adultes sont donc la clé pour permettre à ce bassin d’apprenants autochtones d’accéder à l’éducation postsecondaire et d’intégrer le marché du travail.

Le gouvernement manitobain, le gouvernement fédéral et le Collège de Red River continueront à collaborer étroitement pour répondre aux besoins éducatifs des Autochtones et de leurs collectivités. Pour que les Autochtones soient plus nombreux à faire des études postsecondaires, il faudra financer de façon durable les moyens de facilitation et l’aide financière aux étudiants (y compris pour eux des logements et des services de garderie à prix abordable), accroître le financement des programmes d’accessibilité (ACCESS) et de préparation à l’emploi (Bridging) ainsi que les programmes communautaires, et mieux financer leur fonctionnement et leur mise en œuvre via nos laboratoires de formation mobile.

Recommandation

S’engager à accroître les taux d’études des Autochtones, Inuits et Métis jusqu’au niveau des moyennes nationales.


[i]       Regards sur l’éducation, Indicateurs de l’OCDE, Organisation de coopération et de développement économiques, 2010, p. 13, http://www.oecd.org/dataoecd/45/39/45926093.pdf.

[ii]      Programme d’infrastructure du savoir, gouvernement du Canada, http://www.ic.gc.ca/eic/site/696.nsf/fra/00162.html

[iii]     Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones, gouvernement du Canada, 2009.

[iv]     The Effect of Increasing Aboriginal Educational Attainment on the Labour Force, Output and the Fiscal Balance, Centre d’étude des niveaux de vie, mai 2009, p. v.

[v]      Rapport Le point de la vérificatrice générale du Canada adressé à la Chambre des communes, chapitre 4, Les programmes pour les Premières Nations dans les réserves, p. 14, 2010.

[vi]     Assemblée des Premières Nations – Sommet virtuel des chefs nationaux sur l’éducation postsecondaire, janvier 2011.

[vii]    Sondage auprès des Autochtones en milieu urbain, Institut Environics, http://uaps.ca/knowledge/keyfindings/.